PHOTOGRAPHIE DE RUE, DROIT A L’IMAGE ET VIE PRIVEE

 

Henri Cartier-Bresson, Vivian Maier, Diane Arbus, Joel Meyerowitz, Robert Doisneau… De nombreux photographes célèbres se sont attelés à la photographie de rue. Cette pratique consiste à prendre des clichés dans un lieu public, en présence d’une ou plusieurs personnes afin de capturer une scène authentique du quotidien, prise spontanément, sur le vif. Mais qu’en est-il du droit à l’image lorsqu’un individu est identifiable sur la photographie et que ce dernier s’oppose à la captation et/ou à la diffusion du cliché ? Cette question s’est posée à de nombreuses reprises devant les tribunaux, par exemple pour le fameux cliché « Baiser de l’Hôtel de Ville » de Robert Doisneau, prise en 1950 [1]. Cette affaire renvoie à une problématique récurrente :

 

A-t-on le droit de prendre en photo une personne dans la rue sans son consentement ?

Quels sont les risques et les enjeux de la photographie de rue au regard du droit à l’image et du droit à la vie privée ?

 

  • La distinction lieu public et lieu privé

 

La pratique de la photographie, comme la photographie de studio, peut se dérouler dans un lieu privé. Il se définit comme « l’endroit qui n’est ouvert à personne, sauf autorisation de celui qui l’occupe » [2], et ce « peu important que ce lieu se trouve inclus dans un bâtiment ouvert au public » [3]. Le domicile en est un exemple.

Dans cet espace, la fixation et la publication de l’image d’une personne peut être, en l’absence de tout consentement expresse ou tacite, constitutif d’un délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée, d’après l’article 226-1 du code pénal, punissable d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

⚠️ Toutefois, il existe une présomption de consentement du sujet de la photographie au profit du photographe dès lors que la photographie a été enregistrée au vu et au su des sujets qui ne s’y sont pas opposés alors qu’ils étaient en mesure de le faire [4].

 

Le lieu public se définit comme le « lieu accessible à tous sans autorisation spéciale de quiconque, que l’accès en soit permanent ou conditionnel, ou subordonné à certaines conditions, heures ou causes déterminées » [5]. Ainsi, tout lieu dans lequel on peut pénétrer sans y avoir été invité personnellement, même s’il faut acheter un billet, constitue un lieu public (par exemple, le métro, le cinéma ou la piscine).

⚠️ Dès lors, dans un lieu public, le fait de prendre une image d’une personne peut constituer une atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image mais à certaines conditions seulement.

 

  • Dois-je recueillir le consentement de la personne que je souhaite photographier dans un lieu public ?

 

Si la personne apparaît de manière accessoire et quasiment fortuite sur une image, aucune atteinte à son droit à l’image ou au respect de sa vie privée ne peut, en principe, être constatée [6].

 

Par contre, si la personne constitue le sujet principal et reconnaissable de l’image et apparaît de manière isolée, il est nécessaire d’obtenir son consentement tacite ou expresse préalable [7].

 

🥑 Les risques : Dans un lieu public, lorsque la personne est identifiable et reconnaissable, je risque d’engager ma responsabilité en tant que photographe [8]. L’appréciation ddu caractère identifiable ne se fait pas à partir du public en général, mais en tenant compte des proches de la personne en cause pouvant la reconnaître. Dans le cadre d’un contentieux, la charge de la preuve incombe alors à celui qui estime avoir subi une atteinte à son droit à l’image ou à sa vie privée [9]. Si je renonce à recourir à la signature d’autorisation pour la prise de mes images, je m’expose au risque d’être assigné(e) pour violation du droit à l’image et du respect de la vie privée d’autrui.

 

🥑 Nos conseils : Bien que le consentement puisse intervenir de manière tacite ou se déduire des circonstances [10], il est préférable d’obtenir une autorisation expresse. Cette autorisation fait l’objet d’une interprétation stricte [11] et doit être spéciale, c’est-à-dire préciser les utilisations autorisées [12]. L’autorisation ne doit pas être détournée du contexte dans lequel elle a été donnée [13].

 

⚠️ Attention : si je souhaite photographier un mineur, je dois obtenir le consentement de ses deux parents ou de toute personne détentrice de l’autorité parentale [14].

 

  • Publication ou captation ?

 

On estimait traditionnellement que ce n’était pas l’acte de la prise de photo qui constituait une atteinte au droit à l’image mais l’acte de publication et de diffusion [15]. Or dans une décision récente, la Cour de cassation a rappelé le principe de la responsabilité de plein droit en matière de violation des droits de la personnalité incluant le droit à l’image [16]. Reprenant et précisant la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme [17], elle rappelle que la maîtrise par un individu de son image implique la possibilité de refuser la diffusion de son image mais comprend également le droit pour lui de s’opposer à la captation et la conservation de celle-ci par autrui.  En effet, l’image constitue une caractéristique attachée à la personnalité de chacun dont la protection suppose le consentement de l’individu dès sa captation et non pas uniquement au moment de sa potentielle diffusion au public.

 

 

  • Est-ce que la réponse est identique si ma démarche est artistique ?

 

La liberté d’expression artistique est parfois invoquée pour justifier l’atteinte aux droits d’autrui. Les tribunaux estiment qu’en matière de photographie de rue, la liberté d’expression artistique prime sur le droit à l’image, de sorte que ce dernier ne peut donner lieu à l’interdiction de publication d’une image [18].

 

Toute autre solution aurait pour conséquence, dans le domaine de l’art photographique, de contraindre l’auteur des clichés à « solliciter systématiquement le consentement des personnes à ce que leur image puisse être fixée, puis ensuite publiée, ce qui aurait pour effet de compromettre les photographies prises sur le vif ou la représentation de scènes de rue » [19].

 

Toutefois, il existe deux exceptions à ce principe :

  • L’image ne doit pas constituer une atteinte à la dignité humaine de la personne représentée.
  • La publication ne doit pas avoir des « conséquences d’une particulière gravité» sur la vie privée de la personne photographiée [20].

 

⚖️ Dans une affaire du 5 novembre 2008, intentée à l’occasion de la parution d’un recueil de photographies intitulé « Perdre la tête » du photographe François-Marie Banier [21], la Cour d’appel a rendu un arrêt important concernant le droit à l’image et le droit à la vie privée.  Invoquant les deux droits précités, la requérante demandait le retrait de cet ouvrage d’une image sur laquelle elle apparaissait de manière identifiable, ainsi que l’indemnisation de son préjudice. Elle considérait que la publication de cette photographie, au sein d’un recueil mettant en avant des individus excentriques, marginaux ou exclus de la société, revêtait un caractère dégradant attentatoire à sa dignité.

Les juges ont rejeté ces arguments estimant que le cliché anodin ne relevait aucun élément d’ordre privé, ni n’était dégradant. Ils ont considéré que le droit à l’image devait céder devant la liberté d’expression chaque fois que l’exercice du premier avait pour effet de faire arbitrairement obstacle à la liberté de communiquer des idées, notamment par le travail d’un artiste.

 

⚠️ Tout le monde ne peut se prévaloir de l’exception de liberté d’expression artistique. En effet, il faut établir le caractère artistique de l’image en cause. Ce caractère est souverainement apprécié par les juges [22] en se référant notamment aux critères de qualification de l’ « œuvre de l’esprit » au sens de l’article L. 112-2 du code de propriété intellectuelle ou en analysant la démarche intellectuelle du photographe pour déterminer si celle-ci est artistique [23].

 


[1] Cass., Civ. 1ère, 16 mars 1999, n°97-11.465.

[2] Cass., Crim., 28 novembre 2006, n° 06-81200 : définition prétorienne.

[3] Cass., Crim., 26 octobre 2010, n° 09-81.492.

[4] Art. 226-1 du code pénal.

[5] TGI Paris, 23 octobre 1986, Gaz. Pal. 1987, 1, 21 et Cass., Crim., 28 juin 1988, n° 87-85.460 : définition prétorienne.

[6] Cass., Civ. 1re, 12 décembre 2000, n° 98-21.311 ; Cass, civ 1re, 25 janvier 2000, n° 97-15.163.

[7] Cass., Civ. 1re, 12 décembre 2000, n° 98-21.311 ; Cass, civ 1re, 25 janvier 2000, n° 97-15.163.

[8] TGI Paris, 21 février 1974, D. 1974. 530, note R. Lindon ; cf. également Cass, Civ. 1re, 21 mars 2006, n° 05-16.817.

[9] Paris, pôle 1, ch. 2, 28 mars 2019, RG n° 18/22.397 ; TGI Nanterre, 15 oct. 2001, Légipresse 2002, I 29.

[10] Cass., Civ. 1re, 7 mars 2006, Bull. civ. I. n° 139.

[11] Cass., Civ. 1re, 4 novembre 2011, n° 10-24.761.

[12] Cf. TGI Paris, 18 mai 2009, Légipresse 2009. I. 113.

[13] Paris, 11e ch., B, 19 octobre 2006, RG n° 05/06562.

[14] Cass, Civ. 1re, 27 février 2007, n° 06-14.273.

[15] §431.143, Pratique du droit de la presse, Christophe Bigot, Dalloz, Hors collection, 2020.

[16] Civ. 1re, 2 juin 2021, n° 20-13753.

[17] CEDH, 15 janv 2009, Reklos et Davourlis c/ Grèce, n° 1234/05 ; CEDH, 27 mai 2014, De la Flor Cabrera c/ Espagne, n° 10764/09.

[18] TGI Paris, 2 juin 2004, Légipresse 2004, III, p. 156, note Ch. Bigot : la liberté d’expression artistique doit primer à chaque fois que « l’exercice par un individu de son droit à l’image aurait pour effet de faire arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou communiquer des idées qui s’exprime spécialement dans le travail d’artiste » ; CA Paris, 11e ch. sect. A, 5 nov. 2008 ; §423, Dalloz, Répertoire de droit civil : Paris, 5 novembre 2008.

[19] TGI Paris, 9 mai 2007, D. 2008. 57.

[20] Art. 9 et 16 du Code civil ; CA Paris, 11e ch. sect. A, 5 nov. 2008 ; §423, Dalloz, Répertoire de droit civil : Paris, 5 novembre 2008.

[21] CA de Paris, 17eme chambre, 5 novembre 2008, n° 07/10198.

[22] Recueil Dalloz, 2009, p. 470, La liberté de création prévaut, dans certaines limites, sur le droit à l’image, Christophe Bigot.

[23]   TGI de Paris, 2 juin 2004, Ben Salah c/ Delahaye, Agence Magnum, Légipresse 2004. III. 156 et TGI de Paris, 9 mai 2007, n° 06/03296, Chastenet de Puysegur c/ Gallimard et Banier.

Mécénat et acquisitions
Gustave Caillebotte, Partie de bateau, Vers 1877-1878, Huile sur toile.
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy.

Le 30 janvier 2023, le tableau « Partie de bateau », également connu sous le nom « Canotier au chapeau haut-de-forme », peint en 1878 par Gustave Caillebotte, a été acquis par le musée d’Orsay [1].

Cette acquisition a été rendue possible grâce au financement du groupe LVMH à hauteur de 43 millions d’euros dans le cadre du dispositif de mécénat d’entreprise visant l’acquisition des trésors nationaux au profit d’une collection publique.

C’est l’occasion de revenir sur les aspects juridiques de ce mécanisme mis en place par la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations et qui permet aux institutions culturelles d’acquérir, de conserver et de protéger le patrimoine culturel et artistique afin de le rendre accessible au public.

 

> Les principales étapes sont les suivantes :

 

1°/ Un propriétaire souhaite vendre une œuvre ou un objet d’art et sollicite un certificat d’exportation [2] auprès du ministère de la Culture.

Si le bien culturel constitue un trésor national défini à l’article L. 111-1 du code du patrimoine comme les biens culturels présentant un intérêt historique, artistique ou archéologique, le ministre de la Culture rend une décision de refus de délivrance d’un certificat d’exportation auquel est joint l’avis motivé de la commission consultative des trésors nationaux composée à parité de représentants de l’Etat et de personnalités qualifiées et présidée par un membre du Conseil d’Etat [3].

Cette décision a pour effet de classer le bien culturel comme trésor national et de l’immobiliser sur le territoire national pendant une période de trente mois avec interdiction de le quitter, sous réserve d’exceptions [4], afin de permettre à l’autorité administrative, de présenter une offre d’achat du trésor national à son propriétaire dans l’intérêt des collections publiques [5].

Dans le cas de l’acquisition de l’œuvre « La Partie de bateau » de Caillebotte, les héritiers de l’artiste ont sollicité en octobre 2019 la délivrance d’un certificat d’exportation afin de vendre la toile [6]. En janvier 2020, l’Etat français a classé l’œuvre comme trésor national en raison de son intérêt majeur pour le patrimoine national et aucun certificat d’exportation n’a été délivré [7].

 

2°/ Lorsque l’Etat décide de présenter une offre [8], celle-ci doit être formulée en respect des prix pratiqués sur le marché international. Le propriétaire du bien peut parfaitement la refuser ou faire procéder à une expertise conjointe pour fixer le prix du bien [9].

Compte tenu des prix des œuvres sur le marché de l’art, les budgets d’acquisition des musées nationaux se révèlent bien souvent insuffisants et le recours au mécénat nécessaire.

Si le propriétaire accepte l’offre d’achat, le paiement du prix doit intervenir dans un délai de six mois à compter de l’accord, à peine de résolution de la vente [10].

Après avoir fait évaluer le tableau de Caillebotte au prix du marché, le ministre de la Culture a formulé une offre d’achat aux propriétaires de l’œuvre. Les parties se sont accordées sur un prix d’achat de 43 millions d’euros.

 

3°/ Pour financier l’acquisition et en application du régime de la commande publique, le ministre de la Culture procède à un appel d’offres en respect du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de mise en concurrence [11].

Celui-ci est publié au Journal Officiel de la République [12]. Les entreprises peuvent alors adresser une offre au ministre de la Culture qui, s’il l’accepte, la transmet au ministre du Budget. Une décision d’acceptation ou de rejet de l’offre est ensuite notifiée à l’entreprise dans le respect de délais précisément déterminés [13].

En cas d’acceptation, les fonds sont versés à la Réunion des musées nationaux [14].

En mars 2022, le ministre de la Culture a procédé à un appel d’offres au mécénat d’entreprise de 43 millions d’euros pour lequel l’offre du groupe LVMH a été retenue.

 

4°/ L’entreprise doit encore satisfaire à certaines exigences prévues par les articles 238 bis-0 A du code général des impôts et L. 122-6 du code du patrimoine afin de pouvoir prétendre à une réduction d’impôt de 90 % :

  • L’entreprise doit être soumise à l’impôt sur les sociétés selon un régime réel d’imposition [15] ;
  • La réduction d’impôt ne peut être supérieure à 50% du montant de l’impôt dû par l’entreprise au titre de cet exercice [16] ;
  • La réduction d’impôt s’applique uniquement sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice au cours duquel les versements sont acceptés [17] ;
  • Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable [18].

En l’espèce, en contrepartie de sa donation de 43 millions d’euros aux fins de l’achat du Caillebotte au bénéfice du Musée d’Orsay, le groupe LVMH bénéficie désormais d’un abattement fiscal de 90 % de la somme versée, soit 38.7 millions d’euros des impôts dus sur la durée de l’exercice en cause.

***

[1] Avis d’appel au mécénat d’entreprise publié au Journal officiel le 25 mars 2022.

[2] Règlement (CEE) n°3911/92 du Conseil, 9 décembre 1992 concernant l’exportation des biens culturels ; Loi n°92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

[3] Art. L. 111-4 al. 4 du code du patrimoine ; François Duret-Robert, Droit du marché de l’art, Dalloz Action, éd. 7, §512.53.

[4] Art. L. 111-7 du code du patrimoine.

[5] Art. L. 121-1 al. 1 du code du patrimoine ; François Duret-Robert, Droit du marché de l’art, Dalloz Action, éd. 7, §512.72.

[6] Avis n° 2019-16 de la Commission consultative des trésors nationaux.

[7] Notification officielle d’acquisition de l’œuvre par le Musée d’Orsay et par le ministère de la Culture.

[8] Art. 171 BA al. 2 du code général des impôts.

[9] Article L. 121-1 du code du patrimoine ; François Duret-Robert, Droit du marché de l’art, François Duret-Robert, Dalloz Action, éd. 7, §512.73.

[10] Art. L. 121-1 al. 7 du code du patrimoine.

[11] François Duret-Robert, Droit du marché de l’art, Dalloz Action, éd. 7, §812.36.

[12] Art. 171 BA al . 1 du code général des impôts.

[13] Art. 171 BB et 171 BC du code général des impôts.

[14] Articles 171 BB et BC du code général des impôts ; François Duret-Robert, Droit du marché de l’art, Dalloz Action, éd. 7, §514.11 ; Art. 238 bis-0 A du code général des impôts (tel que modifié par l’article 23 de la loi du 4 janvier 2002, L. n° 2002-5, 4 janvier 2002)

[15] Art. 238 bis-0 A al. 1 du code général des impôts ; François Duret-Robert, Droit du marché de l’art, François Duret-Robert, Dalloz Action, éd. 7, §812.11.

[16] Art. 219, I du code général des impôts.

[17] Art. 238 bis-0 A al. 5 du code général des impôts.

[18] Art. 238 bis-0 A, al. 3 du code général des impôts ; François Duret-Robert, Droit du marché de l’art, Dalloz Action, éd. 7, §812.22.

Mécénat fiscalité numérique

Une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel le 12 janvier 2021 est venue rappeler que les entreprises ne peuvent bénéficier des déductions fiscales liées au mécénat en ce qui concerne l’achat d’œuvres numériques.

L’article 238 bis AB du Code général des impôts permet aux entreprises qui font l’acquisition d’œuvres d’art d’artistes vivants et qui les inscrivent à un compte d’actif immobilisé de déduire une somme égale au prix d’acquisition des œuvres du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales. Pour pouvoir bénéficier de cette déduction d’impôts, l’entreprise doit exposer les œuvres concernées dans un lieu accessible au public ou à ses salariés (à l’exception de leurs bureaux) pendant une période correspondant à l’exercice d’acquisition et aux quatre années suivantes. Toutefois, malgré leur essor important, les œuvres d’art numériques ne sont actuellement pas considérées par l’administration comme entrant dans la définition des œuvres d’art permettant de bénéficier de cette déduction. En effet, l’article 98A de l’Annexe III du Code général des impôts dresse une liste limitative des réalisations considérées comme des œuvres d’art par l’administration fiscale et précise que ces dernières doivent être entièrement exécutées à la main par l’artiste. A l’occasion d’une session parlementaire de questions au gouvernement, il a été demandé à la Ministre de la Culture quelles étaient les pistes possibles pour permettre aux œuvres numériques d’être reconnues par l’administration fiscale comme des œuvres d’art et permettre aux entreprises qui en font l’acquisition de bénéficier de réductions fiscales.

Dans sa réponse publiée au Journal Officiel le 12 janvier 2021, le Ministère de la Culture a confirmé le fait que les œuvres numériques n’entrent pas, actuellement, dans la définition fiscale des œuvres d’art et n’ouvrent donc pas droit à déduction pour les entreprises acquéreuses. Tout en indiquant qu’une évolution législative était souhaitable en la matière, le Ministère rappelle que celle-ci ne peut se faire que sous l’impulsion de l’Union Européenne, la liste fixée à l’article 98A étant issue de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA des Etats-membres.
Pour le moment, les entreprises ne peuvent donc pas bénéficier de déductions d’impôts du fait de l’acquisition d’œuvres d’art numériques.

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