Question n°1 : Quelles sont les conséquences de l’épidémie de COVID-19 sur les contrats de droit privé conclus avant l’épidémie? Dans quelles conditions puis-je invoquer la force majeure ou l’imprévision pour suspendre ou annuler un contrat que je suis dans l’impossibilité d’exécuter ?
RÉPONSE
En droit français, deux mécanismes peuvent permettre de faire face à des situations exceptionnelles: la force majeure et l’imprévision.
- L’article 1218 du code civil définit la force majeure ainsi : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
La force majeure est donc caractérisée lorsque l’exécution d’un contrat est empêchée (et non simplement rendue plus difficile) par un événement remplissant les trois conditions cumulatives suivantes:
- extérieur, c’est à dire « échappant au contrôle » du débiteur de l’obligation,
- imprévisible, c’est-à-dire qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat,
- irrésistible, c’est-à-dire auquel on ne peut remédier par d’autres mesures.
Si la condition d’extériorité semble remplie dans le cas d’une épidémie, les deux autres conditions devront s’apprécier au cas par cas. La première chose à vérifier sera la date de conclusion du contrat, voire la période des pourparlers. En France, l’état d’urgence a été déclaré le 24 mars 2020, mais la situation en Chine était connue depuis décembre 2019 et l’OMS a déclaré le 30 janvier 2020 que l’épidémie de Covid-19 constituait une « urgence de santé publique de portée internationale ». Les dates sont donc importantes. Il faudra également pouvoir justifier de l’impossibilité d’exécuter et du fait qu’aucun autre moyen ne permettait de remédier à cet empêchement. Enfin, il conviendra de s’assurer que le contrat conclu n’a pas expressément écarté la force majeure ou organisé ses conditions.
En conclusion, la force majeure s’appréciera au cas par cas et nous vous recommandons la plus grande prudence avant de l’invoquer. Il serait, en effet, erroné de considérer l’épidémie de Covid-10 ipso facto comme un cas de force majeure permettant de suspendre ou d’annuler l’exécution du contrat. Les déclarations du Ministre de l’Economie et des Finances, le 28 février 2020, qualifiant l’épidémie de Covid-19 de “cas de force majeure pour les entreprises, salariés et employeurs” concernaient les entreprises travaillant pour l’Etat, c’est à dire exclusivement les marchés publics.
- L’article 1195 du code civil définit les circonstances imprévisibles de la façon suivante : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin à la date et aux conditions qu’il fixe. »
L’épidémie de Covid-19 peut entrer dans un cas d’imprévision.
A la différence de la force majeure, le caractère irrésistible n’est pas requis. L’exécution du contrat doit seulement être rendue excessivement onéreuse, ce qui est un critère subjectif. Autre différence d’importance avec la force majeure, l’imprévision ne permet la résolution du contrat qu’en cas d’accord entre les parties ou de décision du juge. Le contrat n’est pas non plus suspendu pendant la « renégociation du contrat », la partie invoquant l’imprévision devant poursuivre l’exécution de ses obligations.
Dans tous les cas, avant d’invoquer l’imprévision, il conviendra, là encore, de vérifier la date de conclusion du contrat et de s’assurer qu’aucune disposition contractuelle ne vient l’écarter ou l’aménager.
Question n°2 : J’ai vendu une œuvre d’art. Mon acheteur me dit qu’en raison de l’épidémie de Covid-19, il ne peut pas me payer tant qu’il n’est pas en mesure de reprendre le travail. Quels sont mes droits ?
RÉPONSE
En fonction de la date de conclusion du contrat, il est possible que votre client puisse invoquer la force majeure ou l’imprévision pour différer son règlement. Il doit toutefois être en mesure de démontrer qu’il remplit les conditions requises (cf. question n°1).
A défaut, et dans la mesure où votre cocontractant ne s’exécute pas, vous pourrez « refuser d’exécuter » ou « suspendre l’exécution » de vos propres obligations vis à vis de votre cocontractant, par exemple en suspendant la livraison de l’œuvre tant que le règlement n’est pas intervenu.
Il s’agit de l’exception d’inexécution prévue par les articles 1219 et 1220 du code civil.
Pour se prévaloir de ces textes, il faut toutefois que l’inexécution soit “suffisamment grave”, et que vous soyez quasiment certain que votre cocontractant ne s’exécutera pas.
La première chose à faire sera donc de mettre en demeure votre acheteur de s’exécuter. Cette mise en demeure peut prendre la forme d’un courrier officiel d’avocat. Pensez également à bien conserver toute correspondance échangée avec votre cocontractant vous permettant de justifier de son inexécution. La suspension du contrat devra ensuite être « notifiée dans les meilleurs délais » à votre acheteur. Attention, l’exception d’inexécution est un remède temporaire : dès lors que votre cocontractant reprendra l’exécution du contrat, vous devrez en faire de même.
Enfin, il est, bien sûr, toujours possible de solliciter l’exécution forcée en nature du contrat (articles 1221 et 1222 du code civil) ainsi que sa résolution (articles 1224 à 1230 du code civil) c’est-à-dire son annulation. Là encore, une mise en demeure préalable sera nécessaire. N’hésitez pas à nous contacter pour de plus amples informations.
Question n°3 : J’ai vendu un tableau mais à cause de la crise sanitaire Covid-19, l’acheteur veut renégocier le prix. Dois-je accepter un prix inférieur ou puis-je insister pour qu’il paie le prix total ?
RÉPONSE
L’épidémie de Covid-19 ne constitue pas ipso facto une raison légitime et suffisante pour imposer de renégocier ou refuser d’exécuter le contrat (cf. question n°1). En droit français, le principe est celui de la force obligatoire des contrats, qui veut que « [l]es contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » (article 1103 du code civil) et que « [l]es contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise » (article 1193 du code civil). L’application de ce principe empêche a priori une partie (sauf accord) de revenir sur les clauses d’un contrat.
Dans le cas particulier du contrat de vente, il est en outre admis que la vente « est parfaite entre les parties (…) dès qu’on est convenu de la chose et du prix », peu importe que la chose ait été livrée ou le prix payé (article 1583 du code civil).
L’acheteur ne peut donc pas vous imposer la renégociation du prix de vente de votre tableau, sauf s’il est en mesure, selon les circonstances propres à chaque situation, d’invoquer des circonstances imprévisibles. En l’absence de telles circonstances, vous êtes en droit de réclamer le paiement intégral du prix de vente convenu.
Question n°4 : J’ai vendu un tableau, mais je ne peux pas le livrer à la date contractuellement convenue en raison de l’épidémie de Covid-19. Mon acheteur peut-il annuler la vente ?
RÉPONSE
En votre qualité de vendeur, vous êtes débiteur d’une obligation de délivrance envers l’acheteur (article 1604 du code civil). L’article 1610 du code civil autorise ainsi l’acheteur à demander, au choix, la résolution de la vente ou « sa mise en possession », c’est-à-dire l’exécution forcée, dans l’hypothèse où le vendeur manque à son obligation de délivrance dans le temps convenu entre les parties. Il est toutefois prévu que ces dispositions s’appliquent « si le retard ne vient que du fait du vendeur ».
Dans ces conditions, ces dispositions ne vous seront pas opposables si vous pouvez justifier que le retard ne vous est pas imputable, par exemple parce qu’aucun transporteur n’est en mesure d’expédier le tableau ou que le lieu d’entreposage de l’œuvre est temporairement fermé en raison de l’épidémie de Covid-19.
Enfin, selon les conditions précisées ci-dessus (question n°1) et avec la prudence qu’une appréciation au cas par cas nécessite, l’impossibilité matérielle temporaire dans laquelle vous vous trouvez de livrer le tableau peut également constituer un cas de force majeure vous permettant de suspendre l’exécution du contrat, sans que l’acheteur puisse demander son exécution forcée ou prétendre à des dommages et intérêts.
Question n°5 : J’ai un stock d’œuvres d’art entreposées chez un transporteur et j’ai peur qu’il fasse faillite. Que dois-je faire ? Qu’arrivera-t-il à mon stock si c’est le cas ?
RÉPONSE
La première chose à faire consiste à s’informer sur l’état de l’entreprise, notamment auprès d’Infogreffe, afin de déterminer si une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire a été ouverte. Si une procédure collective est en cours, des mesures de publicité et d’information des créanciers sont mises en place.
Il conviendra alors de vous manifester rapidement auprès de l’entreprise ou de son représentant (administrateur, mandataire judiciaire ou liquidateur) pour agir en revendication ou en restitution de vos biens, selon le cas. Attention à agir vite pour ne pas laisser passer les délais, car à défaut, vos biens pourraient être cédés pour apurer les dettes de l’entreprise et rembourser les créanciers. Borghese associés est à votre disposition pour vous assister.
Question n°6 : En raison de l’épidémie de Covid-19, l’espace de ma galerie est fermé. Je souhaite procéder à des ventes en ligne. Quelles précautions dois-je prendre ?
RÉPONSE
Conformément aux articles 14 et 16 de la Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) transposant en droit français la Directive 2000/31 sur le commerce électronique, l’activité de commerce électronique, qui se définit comme l’activité économique par laquelle « une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services », s’exerce librement sur le territoire national.
Ainsi, aucune autorisation particulière n’est requise pour exercer une activité de e-commerce, sous réserve du respect des règles applicables à la protection des consommateurs dans les contrats conclus à distance (notamment, et sous certaines conditions, le droit de rétractation dans un délai de 14 jours).
N’oubliez pas également de respecter la législation relative à la protection des données personnelles lors de la collecte d’informations de vos clients en ligne. A cet égard, il sera nécessaire de mettre en œuvre un traitement automatisé et sécurisé des données personnelles, ainsi qu’une information claire, sur votre site internet, concernant votre politique de protection de la vie privée.
Il est ainsi conseillé d’afficher ces informations sur une page dédiée relative à la politique de protection de la vie privée ainsi que dans les Conditions Générales de Vente.
Question n°7 : Mes locaux étant fermés pendant l’épidémie de Covid-19, je souhaite organiser des expositions d’œuvres en ligne. Quelles autorisations dois-je obtenir ?
RÉPONSE
Vous devez vous assurer, en premier lieu, que vous détenez contractuellement les droits de reproduction et de représentation sur internet de ces œuvres.
En effet, le droit de représentation consiste, selon le code de la propriété intellectuelle, en « la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque » (l’article L.122-2 du CPI) et le droit de reproduction en « la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte » (article L.122-3 du CPI). Or, en droit français, l’auteur dispose du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute exploitation de son œuvre (L.111-1 du CPI).
Ainsi, à défaut de cession expressément convenue, il faudra solliciter l’autorisation de l’auteur.
Attention, si vous détenez les droits de reproduction d’une œuvre sur catalogue papier, cela ne vous autorisera pas automatiquement à reproduire ladite œuvre sur votre site internet. Les modalités de reproduction et diffusion doivent avoir été expressément convenues.
Attention également à vérifier les droits d’auteur sur les photographies de l’œuvre si vous n’en êtes pas l’auteur. Les photographies peuvent elles-mêmes être soumises à la protection du droit d’auteur. Plusieurs autorisations devront alors être sollicitées : celle de l’auteur pour la reproduction et la diffusion de son œuvre et celle du photographe pour l’utilisation de ses photographies.
Borghese associés est à votre disposition pour une analyse plus approfondie de votre situation et de vos droits.